
Hier soir, comme beaucoup d'entre vous, mon premier sentiment a été le soulagement. Le Rassemblement National n'est pas la première force politique du pays, il se place même troisième derrière le parti présidentiel. La gauche unie n'obtient pas la majorité absolue, mais progresse partout dans le pays et se place en tête de ces élections. Après ce temps de soulagement et la joie de voir le pays résister au déclin qui lui était promis, quelles leçons faut-il tirer de ces élections ?
Tout d'abord, Strasbourg demeure une terre de gauche. Trois élections, trois défaites pour le camp présidentiel et trois victoires pour le Nouveau Front Populaire. L'écologiste Sandra Regol et l'insoumis Emmanuel Fernandes ont été réélus facilement, et mon ami et camarade, Thierry Sother, est élu largement avec plus de dix points d'avance sur le député sortant. Je suis heureuse et fière qu'il nous représente à l'Assemblée, le couronnement d'une vie de combats et d'engagements.
Cependant, Strasbourg se trouve de plus en plus isolée dans un Grand Est qui confirme être un terreau fertile pour le Rassemblement National. Bien qu'il n'y ait aucun député RN dans le Haut-Rhin, le parti d'extrême droite remporte la 8ème circonscription du Bas-Rhin. Pour la première fois, l'Alsace compte donc un député Rassemblement National. C'est une alerte qu'il ne faut pas négliger et qui a gâché la fête de tous les élus alsaciens hier soir. Dans les huit autres départements du Grand Est, 16 des 34 députés envoyés à l'Assemblée sont sous l'étiquette RN. Nous devons tous entendre les messages de ces électeurs aujourd'hui.
Il n'y a plus de majorité présidentielle. Alors que le parti d'Emmanuel Macron avait envoyé 350 députés à l'Assemblée nationale en 2017, ils n'étaient plus que 245 cinq ans plus tard. L'ex-majorité n'a réussi à sauver que 168 députés hier soir, la plupart grâce au désistement des candidats du Nouveau Front Populaire. Cette dissolution irresponsable aura entraîné l'auto-dissolution de la macronie, qui doit, à présent, laisser au Nouveau Front Populaire le soin de composer un gouvernement pour les trois ans à venir.
Le Nouveau Front Populaire doit maintenant gouverner dans une alliance des gauches qui n'a rien à voir avec la NUPES. Alors que dans l'élan de l'élection présidentielle de 2022, la NUPES était dominée par la FI, le Nouveau Front Populaire réunit 182 députés dans un équilibre renouvelé où la FI n'est plus majoritaire et fait presque jeu égal avec le Parti Socialiste, dont le nombre de députés a plus que doublé, et des écologistes également en progression. Le Nouveau Front Populaire doit maintenant gouverner en appliquant le programme d'union choisi par de nombreux électeurs, et qui respecte clairement l'équilibre politique, en étant intransigeant sur des sujets clés comme l'Europe, la lutte contre l'antisémitisme ou le soutien indéfectible à l'Ukraine.
Le Nouveau Front Populaire doit également se rappeler que nombre de ses députés ont été élus grâce au front républicain. Des électeurs qui ont peut-être voté pour la gauche à contrecœur, car ce n’était pas leur premier choix, mais qui l'ont fait pour faire barrage au RN. Nous devons aussi être responsables et gouverner en pensant à ces électeurs, afin de ne pas reproduire ce que l'on a reproché à Emmanuel Macron : être élu grâce au barrage républicain des électeurs de gauche au second tour de la présidentielle, puis agir comme si cela n’avait jamais existé.
La gauche a rendez-vous avec l'histoire . Une coalition doit se former et proposer un gouvernement capable de fédérer au-delà des élus du Nouveau Front Populaire et avec la société civile. N'oublions pas qu'aucun parti n'a obtenu de majorité absolue. N'oublions pas que des millions d'électeurs se sont tournés vers le Rassemblement National, exprimant une colère envers le monde politique. L'heure n'est pas aux divisions ni aux querelles de clochers, mais à l'unité, au rassemblement le plus large possible de députés derrière un programme qui doit faire renaître l'espoir et conduire le pays pour les trois prochaines années. La gauche doit montrer qu'elle est à la hauteur des défis du siècle. Seule l'unité, dans un équilibre politique et programmatique, peut permettre cela. En quelques heures, après l'annonce de la dissolution, la gauche a su trouver le chemin d'une coalition qui explique son succès hier soir. Dans les prochaines semaines, elle doit maintenant montrer qu'elle est prête à gouverner, à fédérer et à redresser ce pays usé par sept années de pouvoir d'Emmanuel Macron.
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